La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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mardi 18 Oct, 2022
Catégorie : Selon la presse

Derrière la bataille de l’énergie, c’est aussi la survie de ce qui reste de l’appareil industriel français qui se joue.

LES ECHOS – extraits
Crise énergétique : le cri d’alarme des industriels français

Alors que les prix de l’énergie ont explosé, des secteurs d’activité hautement stratégiques affrontent une menace existentielle. C’est ce qui reste de l’écosystème industriel hexagonal qui est en danger.

Les verriers tels Arc ou, ici, Duralex, sont obligés de réduire la voilure, voire de cesser la production dans les prochains mois.

Dans une chaleur suffocante, de gigantesques machines de fer répètent à l’infini des mouvements calibrés au millimètre. Assourdissant, le vacarme produit une musique répétitive, à quelques mètres seulement d’un four porté à plus de 1.500 degrés. Martin Debacker ne cache pas une pointe de fierté devant l’outil industriel de sa société, le célèbre verrier Arc.

ARC, le huitième site industriel français, connu pour ses marques telles Arcopal ou Cristal d’Arques Paris, va d’abord devoir passer l’hiver.

Comme tous les industriels consommant beaucoup d’énergie, Arc aborde la fin de l’année dans une situation de stress inédite. Sur les 9 fours opérationnels dont dispose la société située dans le Pas-de-Calais, pas moins de 4 vont être mis à l’arrêt temporairement, dont deux pour travaux, et un sera éteint définitivement.

Pourtant, mettre un four en pause est un processus complexe, coûteux, et même dommageable pour la structure de ces mastodontes chargés de faire fondre le mélange constitué à 72 % de sable.

Mais réduire la voilure est le seul moyen de faire face à l’envolée des prix du gaz. Sur les 4.900 employés de la société, 1.600 vont être mis au chômage partiel – avec l’aide de financements publics. Une problématique tristement banale dans les milieux industriels français qui tirent la sonnette d’alarme à l’heure où les prix de l’énergie rendent certaines activités impraticables économiquement et où s’abat sur l’avenir une épaisse couche de brouillard. Pour Bercy, quelque 300 entreprises feraient face à un risque élevé.

Pour 2023 ? « Trouvez-moi une industrie dont les coûts fixes passent subitement de 10 % à 40 %… », se désole Guillaume Rabel-Suquet. Les prix de vente de la société ont déjà augmenté, en moyenne, de 35 %. « Notre marge de manoeuvre à la hausse est limitée », constate le responsable.

Menace existentielle

Cette situation est d’autant plus frustrante, pour Arc, que l’année avait commencé en fanfare. Le retournement est brutal, et concerne tout le marché. En témoigne le désarroi chez Duralex. José Luis Llacuna, le patron de l’autre grand verrier français, avoue qu’avec un coût de l’énergie passé devant la masse salariale au mois d’août dernier, son usine « perd de l’argent chaque jour ». Il a donc été contraint de prendre « des décisions assez drastiques » : mettre son four en veille à partir de novembre et placer l’ensemble des salariés en chômage partiel. Les stocks devraient permettre de faire face à la demande pendant cette période, en attendant des jours meilleurs.

A quoi bon produire à perte ? La question traverse tout l’écosystème des industriels dits « hyper électro intensifs ». Au premier rang de ces derniers figurent notamment les producteurs d’aluminium. Ceux-ci affrontent « une menace existentielle » en Europe, ont-ils averti dans une lettre récemment envoyée à la Commission européenne en constatant une réduction de 50 % de la production sur le continent.

Une usine peut s’arrêter entre deux et trois heures, au-delà, l’aluminium fige et on peut considérer qu’il faudra ensuite raser le site.

Cyrille Mounier Délégué général de la fédération Aluminium France

Cette menace est palpable chez Aluminium Dunkerque . Le plus gros producteur européen d’aluminium, dont la gigantesque usine consomme autant d’électricité que la ville de Marseille, a réduit sa production de 22 %.

Enjeu de souveraineté
Alors que la France, après des décennies de laisser-faire, a fini par placer la sauvegarde de son outil industriel en haut de ses priorités, les pouvoirs publics se démènent pour venir en aide aux entreprises en détresse. Un premier plan de soutien lié à la guerre en Ukraine, mal calibré, a été élargi pour permettre de toucher un plus grand nombre d’entreprises. Aluminium Dunkerque, dans ce cadre, devrait toucher 40 à 50 millions d’euros , a annoncé le ministre délégué à l’Industrie Roland Lescure.

Car derrière la survie à court terme de ces usines pointe un enjeu majeur de souveraineté. « Si on perd nos usines de production de métaux , demain on dépendra du reste du monde », prévient Cyrille Mounier. Or l’aluminium intervient dans de nombreux procédés de fabrication stratégiques. Léger, solide, résistant à la lumière et à la corrosion, ce matériau à tout faire intervient dans l’aéronautique et la Défense (notamment pour le Rafale), l’automobile électrique ou hybride, l’énergie photovoltaïque, la santé avec les emballages de médicaments, mais aussi l’agroalimentaire pour la conservation des aliments. Selon l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie (Ademe), sa consommation devrait augmenter de plus de 50 % d’ici à 2050.

« Il y a des choix politiques courageux à faire pour garder ces compétences, même si ces préoccupations sont loin du quotidien de nos concitoyens », met en garde Cyrille Mounier, qui insiste sur la fragilité de l’appareil de production actuel en France. « Nous avons un géant aux pieds d’argile : si nos usines sont obligées de s’arrêter, le château de cartes s’effondrera, nos approvisionnements se réorienteront et nous perdrons la chaîne de valeur », résume-t-il en appelant à « taper du poing sur la table pour garder notre souveraineté et la développer ».

Faute de quoi, c’est bien sûr la Chine, encore elle, qui raflera la mise : le géant asiatique pèse plus de la moitié de la production mondiale. Mais d’autres pays, nettement plus proches, sont déjà en train de bénéficier de l’essoufflement français dans la filière aluminium. Chez les industriels qui se chargent de transformer d’énormes tubes d’aluminium en produits finis, la menace vient d’Espagne. Exemple chez Flandria, un de ces « extrudeurs » situé dans le Nord. Si son patron, Jean-Marie Chuffart, ne cède pas à la panique, c’est peut-être qu’il a le cuir endurci : son parcours l’a amené à piloter, auparavant, de nombreuses sociétés en détresse.

L’enjeu agricole

Peu à peu, c’est tout un édifice économique qui apparaît menacé. Même l’alimentation, enjeu de souveraineté absolu, est fragilisée. Non seulement certaines cultures, notamment sous serre, nécessitent un apport important d’énergie , mais l’approvisionnement en engrais est, lui aussi, compromis. Explication avec Nicolas Broutin, président du géant norvégien Yara implanté en France. L’ammoniac produit par ses usines est le composant de base des engrais azotés. Or, explique-t-il, « le gaz naturel représente entre 70 % et 90 % du coût de fabrication de l’ammoniac ». Résultat : le prix d’une tonne d’ammoniac produite en Europe oscille aujourd’hui entre 2.000 et 2.500 dollars, quand le cours mondial se situe aux environs de 1.300 dollars. Plus de 60 % de la capacité de production européenne de Yara est donc à l’arrêt.

Ce qu’on découvre, dans cette crise, c’est que la production alimentaire est dépendante de l’énergie.

Mobilisation générale

Dans ce qui ressemble de plus en plus à une économie de guerre, il flotte un parfum de mobilisation générale. Plus personne ne croit réellement au retour des prix énergétiques « d’avant ». Un patron constate que « tout le monde aujourd’hui est au garde-à-vous pour réduire en urgence sa consommation d’énergie et aucun industriel, aussi touché soit-il par la crise, ne conteste, sur le fond, la confrontation avec la Russie ».

Si vous croyez à des productions hexagonales de qualité et que vous voulez sauver l’industrie et les emplois nationaux, c’est le moment d’aider et de consommer français.

Les entreprises interrogées parviennent à mobiliser l’ensemble de leurs équipes pour une grande chasse au gaspi. Les expérimentations de sources d’énergie alternatives, comme le fuel chez Arc ou le mélange entre gaz naturel et hydrogène chez Duralex, se multiplient. Et la transition énergétique, perspective qui demeurait presque lointaine, s’est subitement accélérée. Chez Duralex, « elle était prévue pour 2027 mais elle interviendra impérativement avant », explique José Luis Llacuna pour qui « c’est maintenant ou jamais ».

Cette mobilisation passera nécessairement, aussi, par les consommateurs, exhorte José Luis Llacuna : « Si vous croyez à des productions hexagonales de qualité et que vous voulez sauver l’industrie et les emplois nationaux, c’est le moment d’aider et de consommer français ». Mais la demande peut-elle suivre ? Chez Arc, on a noté, au coeur de l’été, un début de basculement dans les comportements de consommation – « tout le monde s’est rendu compte qu’on allait vers des temps difficiles », résume Guillaume Rabel-Suquet.

Chez Flandria, même tendance : la demande d’aluminium, qui était tirée par le bâtiment et notamment les vérandas, s’essouffle fortement. « Nous avons vécu les derniers mois sur un carnet de commandes rempli jusqu’au printemps mais nous sommes rentrés dans une période de grande incertitude », résume Jean-Marie Chuffart. Un dirigeant évoque clairement la perspective de plans sociaux si cette tendance devait se confirmer. « Nous devons impérativement garder à l’esprit les chaînes de valeur mondiales et rester dans la course », martèle Cyrille Mounier. Derrière la bataille de l’énergie, c’est aussi la survie de ce qui reste de l’appareil industriel français qui se joue.

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