La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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mardi 12 Juil, 2022
Catégorie : Wiki fonderie

Enquête sur Callista, le fonds à qui Renault cède sa Fonderie de Bretagne

Rosa Moussaoui L’Humanité

Le projet de reprise du site de Caudan par le fonds d’investissement Callista Private Equity. Objectif  : « Rétablir l’équilibre financier à l’horizon 2025. »

Les expériences passées de reprise par Callista de PME industrielles, en France et ailleurs en Europe, jettent pourtant le doute sur un tel scénario.

Renault avait déjà annoncé, le 4 juillet, lors d’un comité social et économique extraordinaire, le nom du potentiel acquéreur de la Fonderie de Bretagne, son usine de fabrication de pièces automobiles qui emploie 285 salariés en CDI et 20 intérimaires. Callista Private Equity, une holding de retournement spécialisée, selon ses termes, dans « l’optimisation des processus et des structures d’entreprises » de l’industrie automobile et des secteurs des plastiques ou des métaux.

le président du groupe au losange, Jean-Dominique Senard, avait évoqué en pleine pandémie de Covid le projet de cession de cette usine, qui n’avait, selon lui, « pas vocation à rester dans le groupe Renault ». En difficulté, le constructeur français avait alors annoncé un plan d’économies de plus de 2 milliards d’euros sur trois ans, prévoyant en France 4 600 suppressions d’emplois sur 48 000.

Ce qu’il s’est passé avec la fonderie Vulcast

Lors d’un nouveau CSE extraordinaire, ce lundi 11 juillet 2022, Renault Group et Callista devaient présenter aux représentants des salariés le calendrier de reprise « ainsi que l’ensemble des détails et des engagements relatifs à ce projet », Renault Group affirmant vouloir « accompagner cette démarche de façon responsable, dans la continuité du dialogue social ».

« Le projet industriel porté par Callista, dont le siège social est basé à Munich, correspond aux engagements pris par Renault de parvenir à une exploitation rentable du site, notamment grâce à un investissement massif, une restauration de la compétitivité et une capacité à se diversifier et identifier de nouveaux marchés », fait valoir le cesseur.

Objectif du fonds allemand : « Rétablir l’équilibre financier à l’horizon 2025. » Les expériences passées de reprise par Callista de PME industrielles, en France et ailleurs en Europe, jettent pourtant le doute sur un tel scénario.

Le 11 mars, la fonderie Vulcast à Messancy, en Belgique (85 emplois), était ainsi déclarée en faillite. Fondée en 1984 par le groupe Magotteaux, cette filiale, sous le nom de Magolux, s’était spécialisée dans la production de pièces de fonderie grand format pour les marchés du dragage et des cimenteries. En 2019, Magotteaux avait cédé cette entreprise à Callista Private Equity, à l’origine de la création de l’enseigne Vulcast.

Les investissements promis pour rénover un outil de production vieillissant ne sont jamais venus et les projets d’« optimisation » du fonds allemand ont surtout pris le tour d’une entreprise de dépeçage avec, pour épilogue, la mise à l’arrêt de l’une des dernières fonderies de Belgique, au savoir-faire reconnu.

« Liquidation organisée »
Même dérobade chez Halo Steelrings, l’ancienne filiale d’ArcelorMittal, spécialisée dans la fabrication de couronnes d’orientation en acier pour les éoliennes et de bandages en acier pour les roues de tram et de métro. Cette entreprise basée à Seraing, dans la région liégeoise, avait été rachetée par Callista en 2020 à ArcelorMittal, qui avait procédé à une augmentation de capital d’environ 5 millions d’euros avant de céder sa filiale.

Le fonds allemand cherche aujourd’hui à se défaire de l’entreprise, qu’il a plongée dans le rouge (un demi-million de pertes en 2020). Là, 80 emplois sont menacés. «  Cette société rachète des entreprises à bas prix, parfois pour l’euro symbolique, et elle organise la liquidation pour le compte de l’ancien propriétaire, qui échappe ainsi aux frais liés à la fermeture. Il est tout simplement inacceptable de laisser notre industrie dans les mains de tels vautours !  » s’indigne Damien Robert, président provincial du Parti du travail de Belgique (PTB) et conseiller communal à Seraing.

Vampirisation tous azimuts
En France, l’usine PCH Metals de Saint-Martin-sur-le-Pré, près de Châlons-en-Champagne (Marne), a failli connaître le même sort. Cette unité de conception et de fabrication d’équipements à destination des industriels du bâtiment, du chauffage et de la ventilation, avec son atelier de tôlerie industrielle, avait été rachetée en 2015 par Callista pour un euro symbolique.

Un an plus tard, la convention de reprise avait été modifiée, entre autres pour entériner un abandon de créance au bénéfice du fonds allemand. La faillite de l’entreprise a finalement été déclarée en 2018. L’usine ne doit son sauvetage qu’à ses salariés, qui se sont constitués la même année en Scop pour relancer l’activité de l’entreprise, rebaptisée Marne Metal Concept.

Cette stratégie de vampirisation de PME sous-capitalisées, en difficulté, avait été éprouvée, auparavant, en Allemagne. En février 2015, Callista y reprenait, à Bisingen, dans le Bade-Wurtemberg, Kress GmbH & Co, une entreprise fondée en 1928 qui développait et produisait des outils électriques, dont de fameux moteurs de fraisage.

De modèles à bas coût inondant le marché, on est passé à des modèles à hautes marges, avec une kyrielle d’options. © Allili Mourad/Sipa

Un an plus tard, dépôt de bilan, faute d’investissements. À Sulzbach-Rosenberg, en Bavière, l’entreprise Rohrwerk Maxhütte GmbH (460 salariés) a connu plus récemment le même sort. Cette entreprise sidérurgique produisant des tubes en acier sans soudure pour le secteur de l’énergie avait été acquise par Callista en juin 2021.

Six mois plus tard, elle se déclarait insolvable. Menacée de fermeture définitive, l’usine a été sauvée in extremis grâce à la mobilisation des pouvoirs publics, des salariés et des syndicats. Le repreneur, le groupe britannique Mertex, diagnostique aujourd’hui « un retard d’investissement considérable ».

La logique même des fonds de private equity

« Ce fonds s’appuie sur un modèle économique promettant la restructuration pour pérenniser les investissements et sécuriser les emplois, mais cela se termine souvent par une faillite ou une revente. Ce n’est pas à proprement parler un entrepreneur de pompes funèbres pour usines en difficulté, mais le volume et la diversité des portefeuilles indiquent que le business model “prends et jette” n’est pour le moins pas très durable – pas même pour l’investisseur », décrypte un syndicaliste allemand d’IG Metall.

C’est la logique même des fonds de private equity : une prise de participation dans le capital de petites et moyennes entreprises en manque de financements, avec un investissement réduit, une mise de fonds propres restreinte et une dette maximale. Le but : réaliser la plus forte plus-value possible, le plus rapidement possible, quitte à dépecer les entreprises concernées en taillant dans le capital et dans la masse salariale.

Pour l’heure, c’est Renault qui met la main à la poche

À la Fonderie de Bretagne, Callista promet de n’engager aucun licenciement économique dans les deux ans qui suivront l’acquisition du site et de mobiliser des investissements « massifs ». Mais, pour l’heure, c’est Renault qui met la main à la poche, tout en cédant à un euro symbolique : cette cession s’accompagnera d’un investissement de 32 millions d’euros du groupe au losange pour « moderniser le processus de fusion, la ligne de noyautage, et pour créer une deuxième ligne de sortie afin de passer des pièces plus grosses pour d’autres types de clients ». « Renault met tout en œuvre pour assurer le succès de cette reprise. Nous mettons en place des garanties en ce sens. Callista apporte de son côté un potentiel de développement vers d’autres marchés », fait valoir un porte-parole du groupe, qui veut voir dans les fermetures d’usines reprises ailleurs en Europe par ce fonds les effets collatéraux de la hausse des prix des matières premières et de l’énergie.

Près de 300 postes menacés
En 2015, l’usine avait produit 25 661 tonnes de pièces de fonderie brutes et usinées pour un chiffre d’affaires de 61 millions d’euros. La fonte a chuté à 9 519 tonnes produites en 2020, pour un chiffre d’affaires de 28 millions d’euros. Elle n’était plus que de 11 433 tonnes l’an dernier. L’activité, tirée à plus de 25 % par des clients extérieurs en 2015, s’est repliée à plus de 90 % sur Renault. Avec son credo de « diversification », Callista promet de mettre un terme à cette dépendance pour accroître la production jusqu’à 27 000 tonnes de fonte par an.

Ce mardi 12 juillet, les dirigeants du fonds doivent rencontrer les salariés du site de Caudan. « La bonne nouvelle, c’est qu’on a un repreneur car on n’avait plus de son ni d’image concernant le processus, mais on doit encore analyser la viabilité du business plan », expose Stéphane Dubois, délégué CFE-CGC. Plus méfiante, la CGT souligne que « beaucoup de questions d’ordre stratégique restent en suspens », ce qui annonce « un avenir hasardeux pour la fonderie et ses salariés ». « Cette cession ne s’accompagne d’aucun projet industriel, déplore le syndicat. Cette politique d’optimisation est-elle compatible avec la protection de ses 290 salariés ?

Pourquoi Renault continuera d’investir dans la fonderie malgré l’arrivée de ce fonds d’investissement ? Qu’adviendra-t-il si les objectifs d’équilibre financier à court terme ne sont pas tenus ? Combien de temps avant que Callista ne se sépare de la Fonderie de Bretagne, si les résultats se font attendre ? Les craintes sont de voir le fonds d’investissement détruire les emplois, siphonner l’outil de travail et repartir avec les subventions publiques. »

Héritière des Forges d’Hennebont, créées en 1860, et de la Société bretonne de fonderie et mécanique (SBFM), créée en 1966 par la régie pour reprendre les activités des fonderies de Billancourt, la Fonderie de Bretagne avait déjà été revendue, en 1998, à Teksid-Fiat, puis elle était passée, huit ans plus tard, dans les mains de l’italien Zen, avant un dépôt de bilan en novembre 2008 et le retour dans le giron de Renault en 2009. Entre-temps, les plans de licenciements successifs ont laissé ce fleuron industriel exsangue. « On a déjà été échaudés par le passé, résume Maël Le Goff, délégué syndical CGT , et Callista est un fonds qui a des objectifs de court terme pour redresser l’entreprise, sans quoi ils la fermeront. »

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2 commentaires pour : "Enquête sur Callista, le fonds à qui Renault cède sa Fonderie de Bretagne"

  1. La lecture de cet article à l’ombre de la chaleur me fait réagir.

    Nous avons critiqué Carlos Ghosn mais ce dirigeant était un industriel cadrant parfaitement dans le monde de la construction automobile. Peut-être un peu « mégalo » il voulait faire de l’alliance un acteur majeur de ce monde automobile et on peut dire qu’il avait pratiquement réussi l’exercice.

    Le nouveau Président J.D Senard, auréolé de son parcours quasi sans faute chez Péchiney, Michelin et maintenant Renault n’en est  pas moins que le parcours d’un gestionnaire diplômé d’HEC.

    Si le redressement de Renault s’avère selon lui réussi il faut tout de même constater que l’entreprise à plus que régresser, baisse des volumes et du Chiffre d’affaire, auquel s’ajoute cette vilaine affaire de Avtovaz et Avtoframos dont on se serait très bien passé.

    Le Directeur Général de Renault vise une troisième cible surtout lorsqu’il regarde Tesla: le futur monde de la voiture électrique béni par l’ Union européenne. Cette perspective ne se représentera pas une seconde fois. Possibilité de produire de nouveaux véhicules en les déconnectant du standard habituel et permettant ainsi d’augmenter la marge drastiquement.

    C’est de l’inespéré surtout lorsque l’on annonce haut et fort que la voiture ne sera plus accessible à tous.

    Question: pourquoi deviennent ils aussi chers ? si la voiture peut être considéré comme identique aux véhicules thermiques, le moteur électrique est moins cher (moins de pièces donc moins d’achat, moins d’usinage, moins d’assemblage) toutefois on nous dit que la batterie est chère voir très chère: mais pourquoi ne pas la louer aux acheteurs de ces véhicules surtout que l’on ne connaît toujours pas clairement leur durée de vie.

    Là où cela ne va plus c’est que la productivité pure du moteur est accrue, le nombre de voitures vendues n’est pas suffisant et tant que la courbe ne s’inversera pas, le constructeur peinera lorsqu’il négligera le thermique.

    Après la fonderie de Cléon devenue Fonderie de Normandie, lorsque l’ex SBFM s’est retrouvé en difficultés la direction de Renault ne s’est pas cachée pour reprendre cette entité qui nous avait appartenu par le passé et en y injectant quelques millions d’euros pour rénover l’outil industriel.

    Restait à la charger, vieux dilemme au Losange entre l’interne et l’externe, entériné par le « Make or Buy » de rigueur. Et finalement Fonderie de Bretagne n’a jamais suffisement engagé.

    La nouvelle direction se mettant en place, l’enjeu était de fermer Choisy le Roi, Flins et bien sûr Fonderie de Bretagne.
    Le premier fut fermé, le second reconverti en ateliers de « remise en forme des voitures d’occasion » mais pourquoi pas, quand au troisième il n’entrait pas dans le besoin industriel.

    Un appel aux repreneurs fut lancé pour déboucher aujourd’hui sur un fond d’investissement allemand ! cela aurait pu être comme à une époque un fond de pensions mais peu importe, le scénario sera le même.

    Le repreneur apporte soit disant des garanties, comme Jing Jiang chez SAM par exemple, touchera bien évidement du département et de la région et en 2025 annoncera que les résultats n’étant pas au rendez-vous il ne continuera pas plus loin et là encore une fois on accusera Renault de ne pas avoir respecté l’accord.

    Ce qui indispose le plus c’est que ce scénario est connu maintenant depuis des décennies, que tous les responsables vont laisser faire, ministère de l’économie et de la souveraineté industriel, le conseil de région, le conseil départemental.Pourtant c’est voué à l’échec, un fond d’investissement attend en rendement annuel un nombre à deux chiffres, en forge et fonderie le prix de la pièce est d’une moitié pour la matière et l’autre pour la VT direct ou indirecte, les amortissements, les conditionnements et logistiques et …un peu de marge.

    Si ce type d’entreprise industrielle n’entre pas dans un groupe de même nature où là on pourra réduire le ticket d’entrée (développement et industrialisation), ce qui peut être mis en central comme le contrôle et laboratoire ou les outillages, et tout ce qui permet de faire tourner l’usine comme la maintenance c’est voué à l’échec.
    Un exemple: Safe, Estamfor et Setforge se sont retrouvés dans le groupe Farina mais elles vivent .

    C’est exactement ce qui se fait en Allemagne ou d’autres pays européens, on recherche un partenaire dans le même métier ou complémentaire.

    Fonderies du Poitou comme SBFM qui ont connu souvent des repreneurs n’ayant rien à voir avec le métier sont mortes ou sur le point de mourir.
    J’aurai dû appeler ce long état des lieux :
    – Chronique d’une nouvelle mort annoncée à laquelle on doit s’attendre.
    Cette longue succession de vente/acquisitions qui se soldent par un naufrage industriel est connue depuis longtemps et pourtant répété car cela sert les intérêts du vendeur !

    Dans notre cas il devrait y avoir une véritable institution contrôlant le bon déroulement des choses dans les premières années mais cela relève de la naïvité, qui sera encore en place lorsque les choses s’envenimeront ?

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