La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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jeudi 25 Fév, 2021
Catégorie : Economie

SAFRAN : les « fondamentaux » du troisième groupe aéronautique mondial « sont intacts »

Le groupe a tenu ses objectifs , avec un résultat opérationnel courant légèrement au-dessus de 10 % à 1,68 milliard d’euros NDLR et une génération de cash de plus d’un milliard. Mais il n’a pas été épargné par la crise. Le chiffre d’affaires a baissé de 33 % à 16,49 milliards d’euros NDLR.A titre d’exemple, il était prévu de livrer plus de 2.000 moteurs Leap à Airbus et Boeing en 2020 pour n’en livrer finalement que 815. C’est un choc sans précédent, mais nous avons su réagir extrêmement vite. Dès janvier 2020, la production a commencé à ralentir, et nous avons instauré des mesures d’économies, après la décision de Boeing de suspendre la production du Boeing 737 Max. A partir de la mi-mars , quand l’impact de l’épidémie a commencé à se faire sentir, il a suffi de 15 jours pour décider d’un plan d’économies beaucoup plus important et adapter de nouveau la production. Au total, plus de 2 milliards d’euros d’économies ont pu être dégagés. Sans quoi, nos résultats ne seraient pas ce qu’ils sont.

Et ce, sans licenciement ni fermeture de sites en France ?

Il a fallu malheureusement réduire les effectifs du groupe. Nous sommes passés de 95.000 salariés au niveau mondial, au début de 2020, à 79.000 à fin 2020.

Quatre sites à l’étranger ont également été fermés, notamment aux Etats-Unis et au Royaume-Uni. En France, environ 1.500 postes ont été supprimés [sur un total de 45.000 NDLR], mais uniquement par des départs naturels non remplacés. L’accord signé en juillet avec toutes les organisations syndicales, combiné au dispositif gouvernemental d’activité à temps partiel (APLD), nous a permis d’éviter des départs contraints et des fermetures de sites en France. Les salariés ont consenti des efforts importants, tel que la quasi-absence d’augmentation entre 2020 et 2021 et le plafonnement de la participation et de l’intéressement. Cela a permis de réaliser environ 20 % d’économie sur la masse salariale en France, soit autant qu’à l’international. Ajouté à l’APLD, cet accord a permis de sauver plus de 10.000 emplois en France.

Les activités de Safran dans la défense et le spatial ont-elles mieux résisté ?

La résilience de nos activités dans la défense et le spatial a effectivement contribué à atténuer le choc, notamment sur l’emploi en France. Elles représentent environ 20 % du chiffre d’affaires du groupe, et n’ont globalement pas été impactées par la crise. Elles ont notamment permis d’offrir des solutions de mobilités pour nos personnels au sein du groupe.

Comment évolue la situation en ce début d’année ?

Elle reste très difficile. En Chine, le trafic aérien domestique, qui était revenu au niveau de 2019 en décembre, est retombé à moins de 50 % la semaine dernière, du fait des restrictions aux déplacements instaurées à l’occasion du Nouvel an chinois. Mais il repart à la hausse cette semaine. Et en Europe, les nouvelles formes de la Covid ont conduit à refermer les frontières. Le trafic reste inférieur de 75 % à celui de 2019. Le premier trimestre 2021 sera donc encore en forte baisse comparé au premier trimestre 2020, qui était un trimestre pré-crise. Néanmoins, je n’ai aucun doute sur le fait que les gens recommenceront à voyager sitôt qu’ils le pourront et que la situation va progressivement s’améliorer avec les progrès de la vaccination, dans le courant du second semestre. Safran sera parmi les premiers à profiter de cette reprise.

Qu’est-ce qui vous rend si optimiste ?

La crise du transport aérien a fait chuter le chiffre d’affaires, mais les fondamentaux du groupe sont intacts. Grâce à l’APLD et à l’accord avec nos partenaires sociaux, l’emploi et les compétences ont pu être préservés, pour être prêt à repartir sitôt que la situation le permettra. Par ailleurs, le premier segment de marché qui repartira sera celui des vols moyen-courriers, sur lequel Safran est leader parmi les motoristes, avec l’exclusivité sur les Boeing 737 et 60 % de parts de marché pour les Airbus A320. Nous avons encore près de 10.000 moteurs Leap en commande, soit l’équivalent de 5 années de production. A cela s’ajoute une flotte encore jeune de plus de 23.000 moteurs CFM56 de 2ème génération, en service pour de nombreuses années encore. La moitié n’est pas encore passée en atelier pour la première visite de maintenance et 25 % n’ont fait qu’une visite en atelier. Or ces deux premières visites de maintenance représentent l’essentiel des ventes de pièces détachées et une source de revenus majeure pour un motoriste.

Les objectifs annoncés par Airbus et Boeing suffiront-ils à relancer l’activité ?

Airbus a annoncé son intention de remonter doucement ses cadences de production à partir de l’été prochain, en passant progressivement de 40 à 45 par mois en 2021. Mais son objectif reste de livrer à peu près autant d’avions qu’en 2020.

BBoeing a, quant à lui, annoncé une remontée progressive de la production de 737 Max, pour atteindre 31 appareils par mois au printemps 2022. Mais sa priorité reste de livrer les quelque 450 Max stockés. Ce qui prendra un peu de temps. Nous ne livrerons donc pas plus de moteurs Leap à Boeing et à Airbus en 2021 qu’en 2020. Par ailleurs, le groupe est aussi un gros fournisseur d’équipements aéronautiques pour le Boeing 787. Or après avoir longtemps maintenu la production de 787 à un niveau élevé 14 puis 10 par mois NDLR, Boeing a décidé d’ajuster sa production à cinq 787 par mois en 2021. Nous devons donc à notre tour ajuster notre production pour Boeing. Si bien qu’au total, le chiffre d’affaires réalisé avec ces deux avionneurs en 2021 sera légèrement inférieur à celui de 2020.

Si la situation ne s’améliore pas, faudra-t-il d’autres mesures d’économies ?

Nous devrons naturellement continuer à améliorer notre performance, ce qui amènera à prendre des mesures supplémentaires en 2021, notamment pour les activités concernées par la baisse de cadence du 787. Les effectifs ont encore baissé de 1.500 personnes sur les six premières semaines de l’année, en plus des 16.500 postes supprimés en 2020, et nous avons annoncé deux fermetures de sites supplémentaires depuis le début de l’année, aux Etats-Unis. Et ce n’est pas fini.

Allez-vous demander des efforts supplémentaires en France ?

Nous allons travailler un peu partout pour améliorer notre performance, notamment à travers la simplification des organisations. Mais cela ne remet pas en cause notre engagement de ne pas licencier ni fermer des sites en France. Nous allons également continuer à utiliser le dispositif d’activité partiel APLD, qui a permis de sauver environ 6.000 emplois en France. Par ailleurs, grâce aux mesures du plan de relance gouvernemental, notre effort de recherche et développement consacré à la réduction de l’impact environnemental et aux futurs avions décarbonés va augmenter, ce qui permettra de sauver environ 1.000 emplois d’ingénieurs.

Avez-vous des craintes pour la solidité de la chaîne de sous-traitants ?

Nous restons très vigilants sur la santé de nos 600 sous-traitants français et étrangers. Un tour de veille en interne a été mise en place pour prévenir d’éventuelles défaillances. Avec d’autres acteurs de la filière aéronautique et le fond ACE, nous avons également créé un outil d’investissement, dans lequel Safran a investi 58 millions d’euros.

Pourtant, l’un de vos sous-traitants stratégiques, Aubert & Duval, cherche un repreneur français depuis plus d’un an…

Aubert & Duval est effectivement un fournisseur stratégique pour Safran, comme pour l’ensemble de la filière d’aéronautique et de défense française. C’est l’un des derniers forgerons d’Europe, spécialisé dans les alliages à hautes performances, dont les compétences seront nécessaires pour fabriquer les moteurs du futur avion de combat européen. Son avenir ainsi que les enjeux de souveraineté ne nous laisse nullement indifférents et c’est un dossier que nous regardons. Mais c’est aussi un dossier difficile, qui doit être apprécié d’un point de vue économique.

Concernant la décarbonation de l’aviation, Safran s’est engagé sur un démonstrateur de moteur ultra-sobre pour 2025. De quoi s’agit-il ?

L’objectif est de parvenir à un moteur d’avion moyen-courrier offrant un gain de consommation de carburant d’au moins 20 %, comparé au moteur Leap actuel, grâce à une architecture en rupture, et qui serait capable de fonctionner à 100 % avec des carburants durables. Il serait destiné à une nouvelle génération d’appareil attendue pour 2035.

Est-ce compatible avec le projet d’avion à hydrogène annoncé par Airbus ?

L’hydrogène est une option de carburant durable parmi d’autres. C’est une option séduisante, mais pas la plus facile. La difficulté n’est pas tant au niveau de la combustion, puisque les moteurs thermiques pourraient très bien fonctionner avec de l’hydrogène sous réserve de quelques modifications. La difficulté, c’est plutôt le stockage de l’hydrogène liquide, qui doit être conservé à moins 253° dans des réservoirs quatre à cinq fois plus volumineux que les réservoirs à kérosène actuel, et le circuit de carburant.

L’objectif d’un avion à hydrogène pour 2035 est-il réaliste ?

Le calendrier de 2035 pour un avion à hydrogène est certainement ambitieux. On y travaille puisque nous avons lancé une étude commune sur l’hydrogène avec Airbus et Ariane Group, qui a le plus d’expérience dans ce domaine avec les moteurs à hydrogène des fusées Ariane. Cependant, il faut absolument avancer sur les carburants alternatifs sans attendre 2035. Tous les moteurs d’avion actuels peuvent fonctionner avec 50 % de carburants alternatifs. On pourrait donc potentiellement réduire de 50 % les émissions de CO2 du transport aérien, pour peu que ces carburants soient disponibles en quantité suffisante et à un prix abordable. Ce qui n’est pas le cas pour le moment. Comme ils sont beaucoup plus chers que le kérosène, il n’y a pas de demande et faute de demande, la production est faible et les prix restent élevés. Pour sortir de cette impasse, la bonne méthode serait d’imposer, au niveau européen, un taux minimum d’incorporation de carburant durable pour les compagnies aériennes volant en Europe, d’ici à 2025 ou 2030.

Spatial et défense sont deux secteurs où les partenariats européens souffrent de malentendus. Comment voyez-vous l’avenir de la future fusée Ariane 6 ?

Co-actionnaire d’ArianeGroup au côté d’Airbus, nous nous réjouissons du démarrage des essais de l’étage supérieur complet à Lampoldhausen. C’est un jalon très important du programme. Le lancement d’Ariane 6 a pris du retard, notamment en raison de la Covid, mais nous visons bien un premier vol au deuxième trimestre 2022. Cependant, afin d’assurer l’avenir de ce lanceur, il nous faut mener une discussion équilibrée avec l’Agence spatiale européenne et les Etats membre du programme, pour s’assurer de leur soutien à Ariane 6. Comme vous le savez, la compétition est devenue féroce, notamment avec Space X et pour lutter à armes égales, nous avons besoin d’éviter les velléités centrifuges et, au contraire, de plus de coopération. La fusée Ariane est le ciment spatial de l’Europe depuis les années 1970 et a créé tout un écosystème qui doit être solidaire et faire un effort commun pour améliorer la compétitivité d’Ariane 6 et qui ne doit pas simplement s’abriter derrière la règle du retour géographique jusqu’à présent en vigueur à l’ESA.

Dans la défense, l’un des projets aéronautiques majeurs est le SCAF, le futur avion de combat franco-allemand. Avez-vous trouvé un accord avec vos partenaires sur la motorisation du SCAF ?

En 2019, nous avons établi la base du partenariat avec le motoriste allemand MTU, qui repose sur des principes fondamentaux et sains, qu’on appelle la règle du « meilleur athlète », afin de s’assurer que les rôles sont bien répartis en fonction des compétences démontrées et reconnues de chacun. Il s’agit de ne pas répéter les erreurs du passé, et notamment celles rencontrées lors de la mise au point du moteur de l’avion de transport militaire A400M. Ainsi a-t-il été décidé que Safran sera à la fois l’architecte intégrateur du moteur du futur avion de nouvelle génération et le responsable des parties chaudes du moteur, tandis que MTU sera responsable du compresseur et aura le leadership sur la partie service. Cet accord doit se décliner dans la création d’une joint-venture détenue à parité entre MTU et Safran, que nous sommes en train de finaliser. L’Espagne ayant rejoint le programme, il nous faut accueillir un nouveau partenaire, le motoriste espagnol ITP. Il aura le rang de fournisseur principal, mais nous souhaitons ne pas déroger au principe qui est d’utiliser les meilleures compétences de chacun. Les négociations se poursuivent.

Ce principe de partage du travail ne fait pas l’unanimité, les Etats plaidant pour une répartition égale des tâches. Au vu des dissensions en cours, croyez-vous qu’un accord soit possible sur l’avenir du programme SCAF ?

Sur le pilier moteur, je peux garantir qu’on parviendra à une solution mais au moment où je vous parle, nous avons un accord à deux et pas encore à trois. Sur le pilier avion, je suis sûr que la raison l’emportera et qu’un accord sera possible dans les semaines à venir.

L’autre programme, dont le lancement ne cesse d’être reporté, concerne l’Eurodrone. Y participerez-vous ?

Nous avons déposé une offre pour réaliser le moteur de l’Eurodrone et nous espérons bien que ce programme aura l’ambition d’être 100 % européen avec des droits de propriété intellectuelle européenne sur le moteur. Airbus, leader du projet, prendra sa décision sur le choix du moteur une fois confirmée l’engagement des Etats et de l’OCCAR (Organisation conjointe de coopération en matière d’armement) sur le lancement du programme. Mais pour l’heure, certains Etats invoquent des difficultés budgétaires qui retardent le lancement du projet.

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1 commentaire pour : "SAFRAN : les « fondamentaux » du troisième groupe aéronautique mondial « sont intacts »"

  1. Safran a été soutenu avec de l’argent public.

    Mon voisin usineur fait plus de 20% de son Ca avec eux. 2020/2019 – 50%.Logique. et 2021/2020 ? encore 50% de moins.

    Les perspectives annoncées par son acheteur référent ne font que baisser pour les 3 prochaines années. Pourquoi ?
    pour assurer la trésorerie, safran a décidé délocaliser massivement vers la chine. Mon voisin ne reverra jamais son CA.

    Depuis qqs mois, toutes les consultations qu’il reçoit sont en français en anglais et en chinois… il a répondu à 3 appels d’offre, il passe de fournisseur au top à un statut de fournisseur à éviter sauf pour calculer l’économie réalisée en partant far far away…

    Bref, beaucoup de grands groupes sont en train de faire la même chose, c’est scandaleux. Un de mes client vient d’embaucher un acheteur, il est en train de tout délocaliser dans son pays d’origine en me demandant de faire une photo des outillages. Il a été fort bien reçu …
    Et après on veut réindustialiser. Arrêtons les mensonges !
    Bon courage à tous.

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