La fonderie et Piwi

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Par : piwi
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samedi 30 Mar, 2013
Catégorie : Technique

850 ans et…. toutes ses cloches : Joyeuses Fêtes de Pâques de piwi.

Pour réparer ce sacrilège, quatre cloches sont ensuite ajoutées au bourdon historique en 1856. Mais leur accordage avec l’ancêtre laisse à désirer, leur son est rugueux. Ces casseroles ont été descendues en février 2012 pour laisser la place aux jeunes : huit cloches et un bourdon flambant neufs. Un projet qui pèse 23 tonnes et 2 millions d’euros.

Les huit cloches ont été modelées par la fonderie Cornille-Havard, dans un village normand marqué au fer du haut du clocher jusqu’aux cuisines : Villedieu-les-Poêles (Manche). L’atelier date de 1865, avec deux fours à charbon, d’origine, et trois fosses pour le coulage des cloches. « Nous cherchons à allier le meilleur de la tradition et de la technologie », explique Paul Bergamo, président de la société. Comme il y a trois mille ans, les moules sont façonnés avec un mélange d’argile, de poil de chèvre pour le liant et de crottin de cheval pour la résistance à la chaleur. « Cette recette était utilisée par les Egyptiens pour fondre leurs bijoux, leurs statues ou leurs armes, raconte Paul Bergamo. Le moule peut ainsi résister à des températures de 1 100 oC. »

78 % DE CUIVRE ET DE 22 % D’ÉTAIN

Pour parfaire leur savoir-faire, les fondeurs se sont associés notamment avec les chercheurs du Centre technique des industries de la fonderie (CTIF), qui ont d’abord déterminé les propriétés physiques du bronze de cloche : température de liquéfaction et de solidification, chaleur latente, conductivité, densité, viscosité… Composé de 78 % de cuivre et de 22 % d’étain, cet alliage se caractérise par sa dureté et par sa résonance élevée. Ses propriétés ne dépendent pas que de la composition du métal, mais aussi de la manière dont il est coulé. Or les artisans testent depuis les années 2000 un procédé de coulage avec le moule à l’envers, pour une meilleure dureté du métal. D’autre part, ils expérimentent une technique de masselottage, utilisée dans l’industrie mais jamais encore pour les cloches. En refroidissant, le bronze se rétracte, il perd du volume, ce qui peut entraîner des porosités, puis des déchirements, donc une mauvaise diffusion du son. Des réservoirs de bronze en fusion, les masselottes, sont alors disposés à différents endroits du moule pour compenser ce retrait. Le nombre et la dimension des masselottes sont ajustés en fonction du volume de la cloche.

« Les chercheurs du CTIF, grâce à leurs mesures par sondes de température et à leurs calculs par modélisation des cloches, nous ont permis de valider nos méthodes. Ils ont par ailleurs montré que nos techniques de coulage permettent à l’alliage de gagner 50 % en dureté et en densité, la résonance du son est donc plus longue », se réjouit Paul Bergamo. Ces travaux scientifiques sont intégrés au projet européen de recherche Probell (Maintenance and Protection of Bells), une étude sur les risques de fissure des cloches qui s’est déroulée de 2005 à 2008.

DURÉE DE VIE DE 200 ANS

La goutte d’eau use la roche, le coup de battant use la cloche. Cette pièce qui fait sonner le bronze finit aussi par l’altérer. Neuf fonderies européennes ont ainsi fourni un jeu de cloches à trois laboratoires universitaires, notamment pour tester leur résistance. L’usure dépend des propriétés de la cloche, qualité du bronze et dureté du battant, mais aussi du mode de fonctionnement : sonnerie par tintements ou à la volée, amplitude du battement. « On n’était jamais allé aussi loin dans l’étude de la longévité des cloches. Et nos prototypes ont atteint une durée de vie de 1 200 heures », se félicite Paul Bergamo. Ce qui équivaut à une durée de vie de 200 ans en comptant une durée de fonctionnement d’une minute par jour. Sachant que les cloches installées à Notre-Dame sont plus grosses que celles mises à la disposition des chercheurs, elles subiront moins de coups de battant par minute et sont donc garanties pour quelques décennies de plus.

Outre les techniques de fabrication, la qualité des cloches produites dépend essentiellement de l’analyse acoustique préalable. Un son de cloche se divise principalement en cinq sons, ou harmoniques : le bourdon (harmonique basse), le fondamental (une octave au-dessus), la tierce mineure, la quinte et le nominal (une octave au-dessus du fondamental). La note perçue lorsque la cloche sonne correspond au nominal. Pour que sa sonorité soit harmonieuse, il faut que les harmoniques soient parfaitement accordés. Dans le cas de Notre-Dame, le cahier des charges exigeait un accordage rigoureux avec l’ancêtre Emmanuel.

MODÉLISATION INFORMATIQUE

« L’analyse acoustique a montré que le bourdon et le fondamental d’Emmanuel sont plus bas par rapport aux autres harmoniques, ce qui lui donne une couleur sonore originale mais agréable », précise Paul Bergamo. Autre spécificité du vénérable aïeul, il a un profil très lourd par rapport à une cloche moderne, avec un poids de 13 tonnes pour un diamètre de 2,61 mètres. Les deux critères déterminants pour fixer la hauteur d’une cloche sont son diamètre et son épaisseur. « La géométrie de nos cloches est déterminée à partir de profils modélisés informatiquement, souligne Paul Bergamo, ce qui nous permet d’homogénéiser le son des nouvelles cloches et celui des anciennes. » Après la coulée du bronze, l’accordage peut être modifié, étape délicate où s’exprime le savoir-faire du fondeur de cloche.

L’instrument peut être représenté comme une série d’anneaux superposés, à chaque anneau correspond un harmonique. Chaque cloche peut être corrigée en retirant une partie du métal. « Il est possible de baisser une note, mais jamais de la remonter, prévient Paul Bergamo, et moins on retouche la cloche après la fonte, meilleur est le son. »

Dans le cadre du projet Probell, une équipe de chercheurs de l’université de Padoue (Italie) a d’ailleurs reconstitué virtuellement un son de cloche, modélisant jusqu’à quarante harmoniques. Un travail qui a consolidé le ressenti de Paul Bergamo : « Les conclusions des scientifiques ont rejoint nos intuitions, ce sont les harmoniques hautes qui déterminent la hauteur de la note entendue et la qualité de l’accordage. »

Les dix cloches de Notre-Dame sont accordées sur une gamme en fa dièse majeur. Le 23 mars, elles ont sonné pour la première fois. Les Parisiens et le fantôme de Quasimodo peuvent juger leur justesse.

Arthur de Pas

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